
Interview de Sylvie Kerviel, cheffe-adjointe du service Culture au journal Le Monde
Mercredi 26 octobre 2022, à l'occasion de la Semaine Mondiale de l'Éducation aux Médias et à l’Information (du 24 au 31 octobre) et de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes (le 2 novembre), Katell et Léandre du pôle Presse sont allés interviewer la journaliste Sylvie Kerviel. Cela a été une expérience très enrichissante qu'ils souhaitent partager avec vous à travers la transcription écrite de leur interview dans les locaux du Monde, dont la réputation n'est plus à faire!
Merci beaucoup Madame Kerviel pour le temps que vous nous avez consacré! Cette interview a été un réel plaisir pour nous. Nous en avons beaucoup appris. Nous espérons que vous serez aussi heureuse que nous de lire ces lignes qui sont celles de notre échange.
Bien à vous
Léandre Saussay et Katell Josso
Retranscription de l'interview: Léandre Saussay
Sylvie Kerviel, Cheffe adjointe du service Culture du journal Le Monde
Katell Josso, Membre du pôle presse d’ESPOMUN
Léandre Saussay, Responsable du pôle presse d’ESPOMUN
Katell Josso: Alors du coup la première question serait quel est votre parcours…
Sylvie Kerviel (en souriant) : Alors déjà je vais me présenter effectivement. Donc Sylvie Kerviel, je suis rentrée au Monde, ça va vous paraître très très très loin, en 1990. Mais auparavant, j’avais « pigé », comme on dit, pour le journal. C’est-à-dire proposer des sujets mais j’étais rémunérée au sujet. J’avais commencé dès les années 1987-1988.
Mon parcours… Avant de passer les concours d’école de journalisme j’ai fait une licence d’histoire à la Sorbonne et j’ai préparé les concours du CFJ (Centre de Formation des Journalistes) à Paris et de l’ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) à Lille. Et j’ai été prise en 1984 à Lille. J’ai passé mes deux ans de formation donc après la licence à Lille. Quand j’en suis sorti, le marché de l’emploi dans le journalisme était tel qu’on ne rentrait pas directement dans le métier. Donc j’ai fait des piges à la télévision, à la radio et au Monde et je suis même allée une année en Suède à Radio Suède International. Quand je suis rentré de Suède, j’ai proposé des piges sur la jeunesse suédoise au Monde de l’éducation qui était un magazine qui n’existe plus, un mensuel. Et donc j’ai fait des piges régulièrement et un jour un poste s’est libéré au Monde de l’éducation et je suis donc rentré au Monde de l’éducation en 1990.
Ensuite, j’ai fait une longue carrière car ça fait plus de 30 ans que je suis au Monde et j’ai fait différents services. C’est un peu la règle au journal: on reste 6-7 ans dans une rubrique mais à partir du moment où on a tout exploré, tout raconté, on a plus l’esprit suffisamment aiguisé et donc on nous suggère de changer de rubrique. Donc moi, après avoir quitté Le Monde de l’éducation je suis passé à la communication, donc les médias. Après, il se trouve que j’ai eu un enfant… Le quotidien avec son rythme compliqué : il fallait être là à 6h30 le matin, on travaillait le week-end… J’ai fait le choix de travailler sur un hebdomadaire du Monde qui s’appelait Le Monde Radio/ Télévision. Et le fait d’être un hebdomadaire ça laissait des horaires un peu plus souples. Mais après je l’ai quitté pour prendre la direction qui s’appelle Et vous, ça s’appelait à l’époque Et vous. C’est-à-dire qu’à l’époque on parlait de sujets, les voyages, la mode, la santé…
Puis après je suis passée en Culture (Service Culture). Ça fait maintenant dix ans à peu près que je suis cheffe adjointe de la rubrique Culture. Ça me plaît beaucoup. Donc j’ai 61 ans, et donc je pense que je partirai dans 4 ans à 65 ans mais je pense que je vais rester à la Culture s’ils ont besoin de moi.
Voilà !
Léandre Saussay: Qu’est ce qui vous a poussé à devenir journaliste ?
Sylvie Kerviel : Et bien moi il se trouve que mon père travaillait au journal Le Monde comme directeur financier et donc quand j’étais enfant, adolescente même, il revenait le soir avec tous les journaux, à l’époque Le Figaro, France Soir, Le Monde, Le Parisien, je crois. Et moi j’avais l’habitude d’avoir… Et j’attendais avec impatience qu’il arrive vers 19 heures ou 20 heures le soir avec les journaux et voilà c’était ma lecture, j’aimais ça.
Et donc quand j’ai dû choisir un métier, je me suis dit pourquoi pas le journalisme. Ça m’a paru important d’être légitimer par un organisme de formation et donc voilà pourquoi j’ai passé les concours. Mais comme j’avais déjà beaucoup lu les journaux j’étais déjà un petit peu préparé. J’ai pas fait… A l’époque de toute façon il n’y avait pas ces centres de formation aux concours qu’il y a maintenant. Maintenant c’est des écoles payantes qui préparent car ces concours sont exigeants. Moi quand je l’ai passé, il y avait 70 places, 7 000 candidats donc il faut savoir que c’est 1 sur 100. Donc il faut y aller en ayant un petit peu la foi. C’est vrai que la probabilité, elle est faible. Mais moi je dis toujours qu’il faut croire en ses chances et se battre. Si on part perdant, de toute façon, ça sert à rien.
Après, moi, il se trouve que ça a marché et j’ai bien aimé cette formation. On était formé aux métiers de la radio, de la télévision et de la presse écrite. Et après avoir travaillé à la radio, à la télévision et à la presse écrite, je n’aimais pas du tout travailler par exemple à la télévision car on partait avec une équipe, un caméraman, un preneur de son, un éclairagiste et faire son travail dans ces conditions là avec plein de monde autour c’est vraiment difficile. Les gens ne se confient pas bien, ce n’est pas pareil. Quand on vient juste avec son carnet et son … (crayon), on peut avoir une relation beaucoup plus intéressante avec les gens.
Katell Josso : Et moi j’ai une petite question c’est du coup votre licence d’histoire, est-ce-que vous pensez qu’elle vous a apporté dans votre métier plus tard ?
Sylvie : Non, juste les années où j’étais à la fac, en fait, ça a été comment dire… Je me suis cultivée, c’est ça, pour avoir le niveau culturel. Car il se trouve que j’avais un bac scientifique, donc à l’époque c’était le bas C, équivalent du bac S aujourd’hui. Et donc j’avais peut-être quelques lacunes littéraires. Et donc j’ai profité des années à la fac, où les horaires c’était quand même très cool, pour me cultiver, voilà, de culture générale.
Léandre : D’accord, donc est-ce-que ce parcours du coup en licence d’histoire, pour vous « cultiver » entre guillemets, ça vous a aussi guidé pour aller au service culture ?
Sylvie : Non car à l’époque je ne pensais absolument pas à ça, la preuve j’ai commencé dans l’éducation et puis j’ai… Non, non j’ai vraiment… Non non. Il se trouve que ça me plaît de travailler au service Culture parce qu'on aborde le théâtre, le cinéma, les arts plastiques, tous des secteurs… Donc moi je vais voir des expositions, je vais au cinéma, je vais voir des pièces de théâtres, voilà ! Mais pour autant, il se trouve que j’écris sur l’art asiatique, j’écris un peu sur le patrimoine mais je ne fais pas de critiques de films car c’est réservé. La critique est réservée à un genre, c’est un genre professionnel particulier et c’est réservé à des journalistes qui sont des critiques. Moi je ne suis pas critique, je suis reporter. Donc je raconte, je décris, je fais des interviews, mais je ne fais pas de critiques à proprement parler.
Mais je peux faire le portrait d’un chanteur, j’ai fait… De temps en temps on peut choisir des sujets comme ça donc Raphaël, le chanteur Raphaël, Sylvain n’était pas disponible, moi j’aime bien ce qu’il fait donc je l’ai rencontré et j’ai fait un portrait de Raphaël. Ça ne demande pas d’être un critique musical, ça demande à ce que… Bien sûr, il faut travailler le sujet en amont, lire un peu ce qu’il a déjà dit, savoir d’où il vient et puis faire une rencontre et voilà.
Je fais plus précisément l’art asiatique, voilà, parce que d’abord personne s’en occupait et que j’ai découvert ça grâce à ma fille qui a fait des études asiatiques et qui travaille désormais dans ce domaine-là, et voilà c'était un secteur qui n’était pas couvert et désormais, tous les papiers sur l’art asiatique c’est moi qui les fait.
Léandre Saussay : Très bien, sur le métier de journaliste de façon générale, selon vous, quelle est la place du journaliste dans la société aujourd’hui ?
Sylvie Kerviel : C’est-à-dire qu’aujourd’hui, le métier s’est beaucoup, comment dire… multiplié, les espaces où les journalistes interviennent, sont beaucoup plus nombreux. A mon époque, il y avait la radio, la télévision, la presse écrite. Maintenant il y a d’abord la multiplication des chaînes de télévision, les journaux gratuits, les blogs, sur Internet, plein d’espaces où il y a des journalistes qui s’expriment. Disons que c’est beaucoup plus diffus. Je pense que depuis, la multiplication des voix où s’expriment les journalistes a fait qu’elle (la voix) a un peu moins d'importance, ouais.
Katell Josso: Justement ça va amener à la prochaine question, justement dans un monde dominé par les réseaux sociaux, est ce que vous avez dû vous réinventer en tant que média traditionnel ?
Sylvie Kerviel : Alors « dominé » par les réseaux sociaux, je ne sais pas s’il sont « dominés »… Ils ont une forte présence mais « dominé » je ne dirai pas ça quand même.
Katell Josso: Du coup dans un monde… Où l’importance des réseaux sociaux en particulier chez les jeunes est présente, est-ce-que vous avez dû vous réinventer en tant que média traditionnel ?
Sylvie Kerviel : Alors oui, bien sûr, Le Monde est très à l'affût justement de ça et donc il y a plein de jeunes gens au journal, que je ne connais pas parce que… D’abord ils arrivent et ils travaillent, ils utilisent nos articles pour en faire des déclinaisons sur les réseaux sociaux, que ce soit Tik Tok, que ce soit sur plein de réseaux, je sais qu’il y a ce travail qui est fait et ils n’arrêtent pas d’innover dessus.
Par exemple, la dernière innovation, c’est donc désormais les podcasts, il y a beaucoup de podcasts car les jeunes écoutent beaucoup les podcasts. Donc chaque jour il y a un podcast sur un sujet d’actualité et désormais dans la Matinale, les articles sont repris dans la Matinale, donc une sélection d’articles le matin à 7 heures. On peut les écouter en audio grâce à un robot qui lit les articles. Donc Le Monde innove sans arrêt pour capter les publics, comme il y a cet intérêt des gens désormais pour écouter des podcasts ou pour écouter les infos comme ça via les écouteurs dans le métro ou sur le vélo, c’est interdit d’ailleurs. Bref ! C’est dangereux.
Voilà on essaye de suivre. Les versions sur Tik Tok ou autres, c’est très simplifié, il faut le reconnaître mais, de temps en temps j’y jette un œil, certes c’est simplifié mais ça reste quand même fiable.
Léandre Saussay : Très bien. Ensuite on a des questions qui sont…comment dire…Oui ! Vous avez évoqué les réseaux sociaux et le fait que l’information se diffuse aussi par ces canaux maintenant. Comment, avec le fait que sur les réseaux sociaux l’accès à la désinformation ou la manipulation de l’information soit plus facile, comment vous essayez de vous adapter ou comment vous essayer de lutter contre cela ? Je sais que vous avez le service des Décodeurs au Monde…
Sylvie Kerviel : Les Décodeurs, oui mais il y a donc beaucoup de journalistes de la maison qui participe à une association Entre les lignes. Elle a dû vous en parler Gwennoline. (Gwennoline Le Cornec, cheffe-adjointe du service Politique du Monde, que nous avons aussi interviewé! La retranscription de l’interview est également sur notre site!)
Léandre : Avec Delphine Roucaute ?
Sylvie Kerviel : Avec Delphine Roucaute. Et c’est vraiment leur combat, ils vont dans les établissements scolaires à la rencontre des jeunes pour essayer de faire la différence entre une info fiable comme celle que Le Monde donne et des arguments repris je ne sais où, dont on ne connaît pas la source. Oui oui, on est très vigilant là-dessus.
Léandre Saussay : Donc vous avez donné la différence entre une information fiable et une information qui sortirait d’autre part….
Sylvie Kerviel : Surtout, une information dont on ne connaît pas la source : “qui a dit ça ?” “En quoi il est légitime pour dire ça ?” “D’où vient une information?” “D’où vient un chiffre que l’on fournit ?”
Si par exemple une entreprise dit qu’elle a fait je ne sais combien de chiffre, de milliards de bénéfices. Si c’est son intérêt de dire ça, voilà, il faut pouvoir aller vérifier, recouper. Il faut toujours recouper, vérifier les choses. C’est ça l’essentiel du métier, de justement aller chercher par derrière pour être sûr que ce qui est écrit est la vérité. Sinon on pourrait écrire n’importe quoi. Même des gens qui se prétendent journalistes par exemple et finalement ils n’ont pas leur carte de presse, il faut vérifier, sans pour autant… On n’est pas la police. Il y a un travail qui parfois s’en rapproche, l’enquête.
Katell Josso : Moi j’allais faire un lien parce que justement quand tout à l’heure vous avez dit que vous avez vécu en Suède, au niveau de la presse et tout ça… Est-ce que vous pensez que les Français ont un accès plus fiable à l’information que dans d’autres pays aujourd’hui ou c’est du pareil au même au final ?
Sylvie Kerviel : Je pense que dans beaucoup de pays, il y a cette vigilance de la part de journalistes sérieux qui font en sorte que d’abord, il y ait une éducation aux médias et apprendre aux jeunes à faire la différence entre de l’info « bullshit » et de l’info vérifiée, voilà. Après je ne peux pas vous dire en Afrique où je ne sais pas, je ne connais pas du tout la situation… Mais cette préoccupation elle est partout bien sûr.
Léandre Saussay : On va passer à des questions qui sont plus spécifiques au service Culture, comment vous vous définiriez le mot « culture » ?
Sylvie Kerviel : Alors ça c’est une question quand j’ai vu tout à l’heure, je me suis dit « mon dieu » !
Nous, la culture telle qu’on l’aborde dans nos pages donc… On suit l’actualité du cinéma, on suit les grandes expositions, on rencontre les personnalités issues de l’univers de la musique, on couvre un peu tous les genres musicaux que ce soit le rap ou la musique classique, l’opéra ou la variété française. On inclut aussi l’architecture dans l’espace culturel parce que on estime que c’est culturel, la danse bien sûr, les arts du cirque, voilà. Au Monde, tout ce qui est littérature c’est le service Le Monde des Livres à part quand il y a les Prix Goncourt ou les prix de littérature, ça passe dans notre espace Culture car Le Monde des Livres est hebdomadaire. Donc, quand il y a une actualité, on ne va pas attendre que ce soit le mercredi ou le jeudi pour Le Monde des Livres, ça passe dans notre espace.
C’est ça un peu la culture telle qu’on l’aborde dans nos pages.
Léandre Saussay : Ça serait donc un sens large à la culture, pas forcément celle qu’on aurait qu’à l’école qui valoriserait les pièces de théâtre de Molière ou bien certains types de lectures. Vous essayez d’avoir un point de vue plus global, c’est bien ça ?
Sylvie Kerviel : Non non, par exemple les pièces de Molière, le théâtre… On fait même les théâtres de marionnettes pour les enfants donc on est assez large sur la culture.
Par exemple, la mode, ce n’est pas dans les pages Culture, c’est dans les pages Style, la gastronomie aussi. Donc ça pourrait, on pourrait se dire ça fait partie de la culture aussi. Nous, ça n’est pas dans notre service mais bien sûr que ça fait partie de la culture en général. On est « cloisonné » on va dire.
Et donc le design, qui pourrait être dans la culture, est dans les pages Style avec la gastronomie et la mode.
Léandre Saussay : Très bien. Donc au final vous avez un peu scindé la culture en plusieurs services?
Sylvie Kerviel : Oui oui c’est ça. On s’occupe peut-être d’une culture plus mystérieuse, je ne sais pas… Je ne sais pas trop comment la qualifier d’ailleurs.
Katell Jasso : Justement ça nous même à notre prochaine question…
Sylvie Kerviel (pensive): Il y a aussi la télévision, et la radio, et les podcasts.
Katell Jasso : Justement, la culture parfois peut-être entendue comme élitiste ou restreinte. Comment vous en tant que journaliste vous essayez de la vulgariser, de la rendre plutôt accessible à tous ?
Sylvie Kerviel : Alors déjà, par exemple, quand on va voir une pièce de théâtre, ou qu’on écoute un disque, ou au cinéma, on donne toujours la priorité dans l’article au journaliste qui a le mieux aimé. Souvent ils (les journalistes) ont des avis divergents. Là l’album de Taylor Swift, il y en a un qui dit « c’est à chier, c’est nul » et l’autre qui dit « mais non mais c’est pas vrai, c’est quand même bien, il faut écouter ». Donc on va donner la priorité à celui qui a bien aimé.
Après dans l’écriture des papiers, je suis celle qui relit, puisque mon rôle c’est de relire la copie des rédacteurs (au service Culture). Parfois je trouve que les papiers de musique classique ou d’opéra sont trop exigeants : vocabulaire compliqué. Ils ne racontent pas suffisamment l’histoire pour des gens qui ne sont pas spécialistes, ils utilisent des mots que personne ne connaît à part eux-mêmes! Donc mon souci c’est ça, de traduire, changer les phrases pour que ce soit moins compliquées, que le vocabulaire soit accessible à tout le monde. Après c’est une règle que normalement les journalistes du Monde devraient respecter, c’est-à-dire que les articles doivent pouvoir être lus par des gens niveau lycée… Collège je ne dis pas mais lycée, avec un vocabulaire accessible et traiter de sujets...
Après même un sujet compliqué on peut l’expliquer pour le rendre abordable. Dans les sciences, ils ont parfois des trucs sur les trous noirs, c’est compliqué ! Ils se donnent beaucoup de mal, ils le rendent accessible à tout le monde.
Léandre Saussay : Du coup, puisque votre but serait de vulgariser la culture pour la rendre intelligible pour tout le monde, quelle place vous pensez que la culture occupe dans la vie des Français actuellement ?
Sylvie Kerviel : J’ai du mal à mesurer… Là par exemple si on regarde l’effet du Covid sur les entrées cinéma, les spectacles et les concerts, malheureusement, il y a une vraie chute de fréquentation. C’est-à-dire que beaucoup de gens ont arrêté d’aller au cinéma parce que chez eux ils ont des abonnements sans doute à des Netflix et compagnie…
Le théâtre, certains ont arrêté d’y aller parce qu’ils avaient peur de se confronter à des gens qui les rendent malade et donc il y a moins de monde dans les théâtres. Voilà… Je pense que le Covid a beaucoup modifié les pratiques. D’ailleurs, il y a des statistiques qui le disent. L’inquiétude du milieu, c’est « est-ce-que la fréquentation repartira ? » ou bien « est-ce-que c’est définitivement perdu ? ». C’est compliqué, difficile.
Katell Jasso: Est-ce-que d’ailleurs vous pensez la culture en général ça peut servir pour passer des messages plus globaux et marquants à la société? Donc par exemple je pense au film Simone qui peut être utilisé un peu comme ça. Est-ce-que vous pensez que la culture…
Sylvie Kerviel : Vous voulez dire Simone pour apprendre la vie de Simone Veil, c’est ça ?
Katell Jasso : Oui ou pour faire passer certains messages, c’est un exemple.
Sylvie Kerviel : Sur son combat, sur l’avortement ? Je ne sais pas sur quoi il est (le film Simone). Je ne sais pas si c’est son combat sur l’avortement ou plutôt…
Katell Jasso: C’est sur sa vie en général…
Sylvie Kerviel : Mais après les camps (de concentration) ?
Katell Jasso: Après les camps. On parle des camps, on en parle très peu… Il y a un passage très court sur le combat sur l’IVG, le droit à l’avortement. Et après on parle de sa vie…
Sylvie Kerviel : Politique ?
Katell Jasso: Ouais c’est ça puis on finit sur l’Europe.
Sylvie Katell : Oui, ça ça permet de connaître un moment de l’histoire et une femme qui a été très importante oui. Le cinéma a aussi ce rôle-là bien sûr.
Léandre Saussay : Donc ça veut dire qu’au final la culture peut permettre de faire connaître à un public qui n’aurait pas connu Madame Veil, de savoir son histoire et son combat. Aussi, est-ce-que vous pensez que l’art et la culture peuvent permettre de faire passer d’autres messages ? Je pense surtout aux soupes, aux aliments jetés sur les œuvres d’art. Je pense aussi à la statue de cire du Prince… du Roi maintenant, Charles III, qui s’est fait entartée à Madame Tussaud.
Sylvie Kerviel : Alors là, la démarche est différente. C’est-à-dire qu’ils ont fait cette atteinte aux œuvres pour faire prendre conscience que c’est peut-être… Ce sont des œuvres qui ont énormément de valeur. Donc peut être que de se préoccuper de la planète, c’est plus important qu’une œuvre d’art à plusieurs millions d’euros.
Mais il n’y a pas de geste artistique là-dedans, c’est choquer en s’attaquant à l’art qui représente beaucoup, beaucoup d’argent, qui a beaucoup d’admiration, qui est connu partout dans le monde, Van Gogh et Monnet, pour faire prendre conscience de l’importance de… Ils auraient fait ça sur une voiture, ça n’aurait intéressé personne la sauce tomate sur une voiture. Ils font ça sur une œuvre d’art, c’est parce que c’est quelque chose de très connu, de très admiré et voilà. Mais ce sont des activistes, quand on veut choquer, il faut bien… En plus, ils ont été plutôt respectueux de l’œuvre. Ils se sont attaqués à des œuvres qui avaient des protections donc finalement ça n’a absolument rien fait. Il suffit d’un coup d’éponge et c’était terminé!
Katell Jasso: Donc la prochaine question, est-ce-que vous avez pour objectif de vous rapprocher de la jeunesse et des nouvelles formes de culture lorsque vous écrivez ?
Sylvie Kerviel : Alors se rapprocher, non, mais on essaie d’intéresser quand même. Par exemple, je me souviens… On fait régulièrement des rencontres avec les lecteurs. Et donc parfois nos lecteurs sont plutôt âgés, il faut le reconnaître, moyenne d’âge de 60 et quelques, voire 70 même peut-être, surtout les lecteurs du print (presse papier), les lecteurs sur le web sont plus jeunes. On a une grande part de lecteurs âgés et parfois on se demande « à quoi ça sert de leur parler de Nekfeu ou de rappeurs comme ça ? ». Mais en fait ils (les lecteurs) nous disent : « Si ! On est content. Car comme ça on sait ce que nos petits-enfants écoutent. Et donc ça a un intérêt que vous continuiez, que ce soit dans Le Monde. Nous ça nous intéresse que vous continuiez même si on n’est pas les auditeurs de cette musique, de nous expliquer pourquoi ça… Voilà ! »
Donc on a une journaliste spécialisée dans le rap par exemple, qui suit l’actualité de ce secteur bien-sûr. Et pareil on a une rédactrice au street art donc c’est plutôt des modes d’expressions artistiques des jeunes. Et c’est un peu essentiel si on ne veut pas mourir, de s’adapter comme en télévision. On suit régulièrement ce qu’il y a sur les plateformes, les séries aussi, on est très présent sur les séries, on a deux rédacteurs spécialisés dans les séries parce que c’est l’activité culturelle, peut-être première de beaucoup de gens. En plus il y a des choses très très bien.
Léandre Saussay : Justement j’ai une question par rapport à ce que vous avez dit tout à l’heure par rapport à la forme traditionnelle de culture, les musées, les théâtres, qui sont délaissés au profit de plateformes en ligne ou alors d’accès (à la culture) qu’on peut avoir chez soi. Est-ce qu’avec le Covid ça a pas favorisé une certaine industrie culturelle avec une uniformisation de la culture qui, par rapport à un musée ou on peut avoir un contact avec autrui, où on se déplace dans un nouveau cadre. Est-ce qu’il n’y a pas une forme d’aliénation avec une uniformisation depuis le Covid avec la culture ?
Sylvie Kerviel : C’est difficile de répondre à cette question. Je veux dire par exemple consommer de l’art pictural sans sortir de chez soi… pendant la pandémie. J’ai vu que vous aviez des questions là-dessus, les musées se sont aussi décarcassés pour continuer à intéresser les gens. Ils ont pris des initiatives pour monter en ligne leurs collections et parfois même leurs réserves. Tout le monde a essayé de trouver des solutions, les théâtres pareils. Ils ont fait des lectures ou des pièces où chaque acteur chez lui, ils utilisent des sortes de mosaïque…
Ça a été un moment où les gens ont été assez inventifs pour continuer à avoir un échange culturel. Mais bon malgré tout une exposition ou par exemple les expositions virtuelles… Moi personnellement, je ne vois pas l’intérêt d’aller voir un truc où il n’y a pas un seul tableau de Van Gogh, c’est des projections sur les murs donc on est en immersion. Moi ça ne m’intéresse absolument pas. Et ça a un succès fou ! Je ne fais pas valoir mon goût, on fait des papiers dessus pour dire le succès incroyable de ces expositions.
Moi je n’aime pas ça et ça ne me donne aucune émotion artistique mais je vois que ça a l’avantage de ne pas faire déplacer les œuvres. Ce qui dans l’avenir avec le réchauffement climatique, c’est quand même dans les tendances où les musées réfléchissent à arrêter de faire transporter des trucs dans des gros avions etc…
Katell Jasso : On va passer sur des questions plus sur la Semaine mondiale de l’éducation aux à l’information…
Sylvie Kerviel : C’est en ce moment ?
Léandre Saussay : Oui, du 24 au 31 octobre.
Sylvie Kerviel : Très souvent, pendant très longtemps j’allais dans les écoles parler de mon métier. J’y vais encore en décembre. Je vais à Saint-Cloud dans un lycée. Je l’ai fait l’année dernière avec des élèves de seconde, première, terminale. Les parents s’inscrivent en fonction de leur profession et les jeunes ils savent que là il y a un journaliste, là il y a un bédéiste, là un marchand de je ne sais pas quoi… Et ils viennent s’informer et c’était vachement bien donc je le referai en décembre. Mais je ne savais pas qu’en ce moment il y avait cette semaine-là. Effectivement, je ne peux pas tout faire non plus, je suis obligé de travailler, un peu quand même.
Léandre Saussay : Oui, puis c’est surtout une semaine de l’ONU qui est surtout au Nigéria cette année donc c’est vrai qu’en France on n’en entend pas forcément parler.
Sylvie Kerviel : J’avoue que je n’en ai pas entendu parler.
Léandre Saussay : Mais de votre expérience personnelle dans les écoles où vous avez pu être au contact des jeunes, comment vous diriez qu’elle (la jeunesse) aborde l’information. Est-ce que la jeunesse à la même curiosité que les anciennes générations sur les médias ?
Sylvie Kerviel : Oui, j’étais même surprise parce que je me dis que le journaliste aujourd’hui, ce n’est quand même pas une voie où on recrute le plus. Ça ne me paraît pas…
Je ne suis pas sûre aujourd’hui, si j’étais étudiante, c’est la voie que je choisirai parce que comme j’aurais envie de travailler dans un grand journal, prestigieux, c’est difficile d’entrer au Monde. Remarquez à l’époque j’étais jeune et je ne posais pas ce genre de questions, heureusement d’ailleurs. Peut-être qu’aujourd’hui avec le vécu que j’ai, je sais que c’est très difficile et peut-être que j’aurai plus autant… Je choisirai peut-être un métier avec plus de besoins, plus de certitudes d’avoir un emploi.
Et pour autant je suis surprise quand je vais dans des rencontres avec les jeunes que ça intéresse toujours, qu’il y a une vraie passion. Je me souviens l’année dernière c’était beaucoup journaliste sportif, voilà, pour beaucoup de monde. Puis il y avait des jeunes filles qui ne faisaient pas la différence entre les influenceurs sur les réseaux sociaux et les journalistes donc elles voulaient être influenceuses mode, etc… Mais ce n’est pas le même métier.
Alors journaliste, de toute façon, sur les produits de beauté et tout ça, ce n’est pas du journalisme, c’est de la corruption absolue. Ils sont complètement bouffés par les marques, noyés sous les cadeaux. A part 50 Millions de Consommateurs qui fait un vrai travail sur les produits, tout ce qui est dans la presse/magazines féminins c’est… Les produits qui sont soi-disant, avec des articles favorables, c’est uniquement parce que derrière, il y a une page de pub qui a été achetée, voilà, ce n’est pas sérieux. Journaliste beauté, ce n’est pas un métier sérieux. C’est un relais publicitaire c’est tout.
Katell Jasso : Quelles seraient pour vous les plus grandes menaces à la liberté d’expression et de la presse en ce moment en France ?
Sylvie Kerviel : Ah on voit bien, Bolloré (Vincent Bolloré), par exemple, qui rachète les maisons d’éditions, des journaux, des radios, des télés, qui vire tous les gens qui ne lui plaisent pas, censure les documentaires qui ne lui plaisent pas. Donc il y a bien sûr de la menace, il faut que les actionnaires soient des gens s’engagent à respecter la liberté, ce qui est notre cas chez nous. Nous on a des actionnaires très riches aussi mais ils ne sont jamais permis d’intervenir sur le contenu de ce qu’on écrit et heureusement d’ailleurs, sinon ça ferait beaucoup de bruit au Monde.
Mais ce n’est pas le cas à Canal +, à Europe 1, au JDD (Journal Du Dimanche). Bien sûr que la liberté d’expression est menacée, bien sûr, à cause des actionnaires qui peuvent… Une fois qu’ils ont l’argent, ils font ce qu’ils veulent, bien sûr.
On voit qu’il y a des structures qui essayent de protéger. Nous on aussi des structures au Monde qui défendent les droits des journalistes oui.
Léandre : Vous avez évoqué, du coup, que parfois les jeunes sont parfois très curieux vis-à-vis du journalisme mais qu’on n’a pas toujours les connaissances, vous avez évoqué l’exemple de la différence entre les journalistes beauté où les influenceuses. Selon vous, comment on forme aux médias et à l’information ? Comment on fait en sorte que cette confusion, finalement, on en sorte ?
Sylvie Kerviel : C’est une question…difficile… Via les rencontres peut-être, quand on va à la rencontre des jeunes dans les écoles, on essaye de leur montrer la différence entre un travail sérieux et un travail qui est de recopier un dossier de presse sans prendre aucune distance et faire donc la promotion de…
Nous aussi pour les spectacles, on pourrait ne pas aller voir le spectacle, prendre la brochure distribuée et voilà. C’est ce que font certains bien sûr mais nous ce n’est pas le travail qu’on fait.
Léandre Saussay : Donc vous diriez que pour s’éduquer aux médias et à l’information ça serait un travail de scepticisme et de critique surtout…
Sylvie Kerviel : Ah oui oui ! Il faut être vigilant, toujours se poser des questions, oui oui… Mais ça c’est un esprit qui s’éduque. Il faut bien le reconnaître. Et il y a des gens, dans des familles où cette éducation se fait, des endroits dans lesquels les écoles le font mais pas partout et on voit bien les dégâts chez certains gamins qui ne font pas la différence entre la communication et le travail journalistique.
Et d’ailleurs, cela dit, il y a des journalistes qui sciemment quittent le métier de journaliste pour basculer dans la communication. On en a vu plusieurs qui ayant suivi le secteur, par exemple, de l’armée au journal et un moment donné ils quittent leur métier, ils démissionnent et ils rejoignent le service de communication des armées. Donc voilà, ça s’est fait, plusieurs personnes au journal ont fait ce changement. Ce n’est plus le même métier, la communication ce n’est pas le même métier que le journalisme. La communication on relaie la parole de quelqu’un sans aucune distance puisqu’on demande au contraire de faire la promotion. Le journalisme, c’est tout l’inverse, surtout prendre beaucoup de distance, questionner tout ce qu’on veut nous faire avaler pour voir ce qui est vrai et ce qui n’est pas vrai.
Katell Jasso: Justement, dans cet esprit-là, vous conseilleriez par exemple aux jeunes et lycéens quand vous y aller (dans les écoles) de lire plusieurs journaux…
Sylvie Kerviel : Je me souviens quand je suis allée à Saint Cloud, beaucoup avaient… donc personne ne lisait les journaux papiers, personne ne lisait même les journaux sur internet mais donc ils s’informaient via des petites applications, beaucoup Brut, et puis aussi Dormir Informé (Dormir au Courant et les autres comptes Instagram connexes), des applications comme ça… Extrêmement synthétique, où chaque jour, il y a les 3 infos en 3-4 lignes, les infos majeures de la journée.
Je leur ai dit « soyez quand même un peu plus exigeant ! ». Et justement, il y a une application (Snapchat) par exemple… Sur Snapchat, il y a des choses pas mal qui sont faites par Le Monde pour rendre accessible les sujets compliqués mais sans trahir les sujets. Ça existe, c’est pas hyper facile mais quand je regarde ce qu’ils (les journalistes chargés des réseaux sociaux) font, eh bien c’est quand même bien! C’est un beau challenge je trouve, d’essayer de faire passer les infos auprès d’un public qui n’a pas beaucoup de temps, qui n’a pas envie de se plonger…
Les articles Le Monde c’est quand même des doubles pages, ça demande 15-20 minutes sur un article donc à moins d’être bloqué dans un train, il faut le vouloir (les lire). J’avoue ! Même moi, je sors à midi, j’essaye de lire le journal mais j’ai pas le temps de lire deux articles, c’est tellement long donc moi ça me prend beaucoup de temps de lire le journal, ça prend 3-4 heures le soir ou le matin et souvent, je n’ai même pas le temps, je m’en veux, je me dis « mince, avant-hier je voulais absolument lire ce papier ». J’essaye de me rattraper le week-end sur le téléphone, j’essaye de rattraper en ligne. On produit beaucoup… entre le magazine, et sur Internet.
Katell Jasso : Et l’application, très bien faite d’ailleurs…
Sylvie Kerviel : En plus donc quand on veut avoir une vision panoramique, c’est impossible, impossible. C’est frustrant à la limite je trouve.
Katell Jasso: Surtout quand on veut lire plusieurs journaux.
Sylvie Kerviel : Encore plus, pire, bien sûr, bien sûr… Et c’est bien de lire plusieurs journaux car sur le même thème, ça permet de voir les différentes approches.
Katell Jasso : C’est vrai
Sylvie Kerviel : Par exemple si vous lisez Le Parisien et Le Monde, et que vous fouillez, surtout dans les faits divers, ils sont très forts Le Parisien sur les faits divers. Ils mettent beaucoup de moyens et ils arrivent à avoir des infos qu’on n’a pas, et c’est souvent fait sérieusement. Et par exemple en Culture, je ne ferai pas de comparaison, déjà on ne fait pas les mêmes choix, ils vont être dithyrambique (élogieux) sur un film comme Plancha pour lequel on ne fait pas deux lignes. On fait des choix extrêmement différents Le Parisien et nous (Le Monde).
Léandre Saussay : Si ! Hier, votre collègue Gwennoline Le Cornec nous a dit qu’une des meilleures façons de s’éduquer aux médias et à l’information c’était de se cultiver, de lire. Qu’est ce que vous en pensez ?
Sylvie Kerviel : Alors lire, elle voulait dire, lire quoi ? La littérature ou…
Léandre Saussay : La littérature ou alors lire beaucoup d’articles…
Sylvie Kerviel : Ah oui, lire les journaux bien sûr. La meilleure façon de s’éduquer aux médias. On peut aussi… Brut c’est très bien fait. Il n’y a pas que la télévision aussi, il y a des choses très bien. Il faut, oui, emmagasiner pas mal de choses. C’est vrai que la lecture du Monde, je suis désolée de plaider pour ma planète, c’est quand même une bonne base. Les jeunes qui passent les concours et lisent Le Monde, ils partent avec un certain avantage sur ceux qui ne le lisent pas, c’est sûr. Parce qu’on a quand même une couverture internationale, la France, la société, c’est assez développé et pas orienté contrairement au Figaro par exemple ou à Libération qui est très orienté à gauche. Le Figaro est très orienté à droite. Nous on essaie d’être quand même, voilà…objectif je ne dirai pas, parce que ça n’existe pas mais le plus près possible des faits… et de donner un peu la parole à tout le monde.
A une époque, elle a dû vous le dire Gwennoline (Gwennoline Le Cornec, cheffe adjointe du service Politique, interview disponible sous le même format), on n’interrogeait pas la famille Le Pen par exemple. Mais là maintenant c’est terminé, Marine Le Pen, elle a le droit d’être interviewée dans Le Monde. Mais à une époque c’était… il n’avait pas le droit le père Le Pen, le vieux Le Pen (Jean-Marie Le Pen).
Léandre Saussay : Donc, on vous l’a dit c’est la Semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l’information. Le thème de cette semaine cette année c’est « Favoriser la confiance : un impératif de l’éducation aux médias et à l’information ». Alors de votre expérience et de celle que vous avez pu avoir avec vos collègues, comment qualifieriez-vous l’état de confiance des Français envers les médias ?
Sylvie Kerviel : Alors j’ai vu que vous avez mis le baromètre que publie La Croix* chaque année… C’est difficile à dire. Déjà les gens, ils sont déprimés, avec tout ce qu’ils ont traversé. Il faut dire qu’entre le Covid, la guerre en Ukraine, la crise de l’électricité… la montée du Rassemblement National et tout…il y a de quoi être déprimé.
Après, ce que les gens appellent les « médias », c’est tellement vaste, c’est difficile de dire. Est-ce qu’ils ne projettent pas quand ils ont un avis négatif, la situation de la société qui leur déplaît ? C’est vrai qu’il y a de quoi s’inquiéter. Après, du moment où les médias en parlent, peut-être qu’ils projettent le mauvais avis sur les médias parce que les médias ne racontent pas des choses optimistes. Oui mais le monde tel qu’il est n’est pas optimiste. Donc ce genre de baromètre, je suis un peu sceptique. D’ailleurs, en plus, bizarrement, je crois que la presse écrite n’est pas bien représentée dans le baromètre.
Léandre Saussay : De mémoire il me semble que c’est 49% de confiance. C’est les plus hauts avec la radio (voir le lien ci-dessus). La presse (écrite), c’était surtout sur les moyens de s’informer qu’elle était plutôt basse. C’était 6% (de la population qui s’informe via la presse écrite) pour les plus de 35 ans et 2% chez les moins de 35 ans.
Sylvie Kerviel : Oui bon, ce genre de baromètre… c’est pas très intéressant.
Léandre Saussay : Très bien.
Sylvie Kerviel : Après qu’ils accordent moins de confiance à la télévision je suis d’accord. Quand vous regardez un journal télévisé par exemple, sur des sujets qui sont traités dans le journal, mais c’est tellement court. Voilà, c’est… Et ils n’ont pas le temps d’enquêter sauf à de rares exceptions mais pour un journal télévisé du soir, c’est beaucoup de micros-trottoirs. Ils descendent dans la rue « Monsieur Michu, qu’est-ce-que vous pensez de ça? », « Madame Machin… » et puis hop, emballé c’est pesé, petit sujet, et le sujet est traité. Ils ne vont pas au fond des choses. Après ça n’empêche pas qu’il y a un très bon travail qui est fait dans des documentaires, dans des magazines spécialisés de la télévision, des documentaires radio aussi, qui sont extrêmement intéressants voilà. Donc c’est un peu trop globalisé ce genre de sondage, il ne faut pas trop y faire attention.
Léandre Saussay : D’accord.
Katell Jasso : On va passer à la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. C’est long ! Justement, dans le contexte de cette journée, est-ce que vous personnellement vous avez des idées sur comment on peut lutter contre les crimes commis à l’encontre des journalistes, où ça ne vous parle pas tant que ça?
Sylvie Kerviel : Alors là, comment dire… Je suis désolée, je suis désolée que, effectivement, les journalistes soient pris pour cible. Il y en a encore qui ont été tués en Ukraine alors qu’ils avaient des brassards (« Press »). Mais voilà, je ne pense pas qu’il y ait d’impunité c’est-à-dire, comment retrouver les personnes qui ont tué les journalistes en Ukraine ? Voilà, c’est compliqué, mais il n’y a pas d’impunité, bien sûr. Si jamais le coupable était trouvé, bien sûr qu’il serait sanctionné comme n’importe quel criminel… Mais il n’y a pas d’impunité, je ne comprends pas bien la question.
Léandre Saussay : Au final l’idée ça serait, comment dire… Dans certains régimes pas très démocratiques ou même dans certaines sociétés ou, au final, il y aurait des discours très hostiles aux médias, comment faire en sorte qu’un journaliste qui se fait tuer pour avoir exercé son métier, laisse une certaine indifférence ? Que ce soit de la justice ou la société. Je pense que c’est plutôt ça qui est sous-entendu dans cette journée.
Sylvie Kerviel : Ba je sais que par exemple, à chaque fois qu’un journaliste est tué dans une dictature, il y a une mobilisation internationale de la profession et voilà. Comment faire autrement, une dictature, il n’y a pas que les journalistes qui sont assassinés, il y a tous les opposants.
Léandre Saussay : Très bien, il y a aussi le cas d’une journaliste maltaise (Daphne Caruana Galizia) qui s’était faite assassinée.
Sylvie Kerviel : Oui
Léandre Saussay : Je sais qu’il y avait quelques journalistes du Monde qui participaient à son enquête. Je l’ai resuivie récemment, et j’ai cru comprendre qu’il y avait une enquête ouverte grâce à cette mobilisation…
Sylvie Kerviel : Oui…
Léandre Saussay : Donc est ce qu’on peut dire que parfois la réaction des journalistes…
Sylvie Kerviel : Oui la mobilisation, c’est important, oui oui, bien sûr…
Katell Jasso: Alors moi j’ai une question qui va beaucoup plus parler de Charlie Hebdo, et des attaques en 2015 en particulier, parce que c’est par rapport à la culture, aux caricatures. Est-ce qu’il y a un avant et un après Charlie Hebdo dans la manière dont vous travaillez vous et vos collègues ? Mais aussi après le Bataclan, car c’était une autre attaque un peu différente sur la culture mais c’était aussi… c’était un concert et donc est-ce que pour vous il y avait une vraie rupture et un vrai avant et après ?
Sylvie Kerviel : Non, par exemple j’ai eu des collègues qui ont eu du mal à retourner au Bataclan, oui ça c’est vrai, parce que voilà, c’est une salle où il y a eu quand même une tuerie abominable et on marche sur un sol où il y a plein de gens qui sont morts. Donc je pense qu’il y en a qui n’y sont jamais retournés, pour les critiques musicaux.
Après nous les caricatures, on a chaque jour à la Une du journal une caricature et voilà… Non, je ne pense pas qu’on… On continue à mettre des caricatures et on ne changera rien là-dessus. Ça plaît pas, ça plaît pas, mais pour autant…
Léandre Saussay : Donc c’est aussi montrer une forme de résilience et de dire que ces attaques elles n’influent… elles n’ont aucun impact sur votre façon de traiter l’info…
Sylvie Kerviel : Ah non aucun, aucun… Heureusement d’ailleurs…
Katell Jasso: Est-ce qu’aujourd’hui vous pensez qu’il y a d’autres menaces en tant que telles aujourd’hui?
Sylvie Kerviel : Ça dépend où mais en Ukraine, en Russie, dans toutes les dictatures, les opposants et les journalistes sont pris pour cibles bien sûr et il y a toujours des menaces…
Et même je dirais, quand on enquête sur des sujets très sensibles, des industries, pharmaceutiques ou autres, c’est dangereux, il y a une prise de risques. Quand on veut dénoncer des scandales, il y a une prise de risque de la part du journaliste…
Nous, il y a des journalistes qui étaient protégés, je ne sais pas s’ils le sont toujours, Davet et Lhomme, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Ils ont bénéficié d’une protection policière pendant plusieurs années pour un livre* qu’ils avaient écrit, je ne sais plus sur quel thème, je ne sais plus pourquoi ils étaient… Et peut-être qu’ils sont toujours sous protection policière…
*Le traître et le néant, Macron : l’enquête, édition Fayard, parution le 13/10/2021
Léandre Saussay : La question que je vais vous poser n’était pas prévue mais je viens d’y penser en fonction de vos réponses. Au final, hier Madame Le Cornec (cheffe adjointe du service Politique), nous a dit qu’une des choses qui faisait la renommée, qui faisait du Monde une institution, c’est le fait que dans la manière dont elle aborde les choses, il y aura toujours des partis (politiques) qui ne seront pas d’accord. Elle nous a donné des exemples en politique. Si lorsqu’un sujet est fait, les partis de gauche ne sont pas contents, c’est que ça a été bien fait, si les partis de droite ne sont pas contents, c’est que ça a été bien fait. Par contre, s’il n’y a qu’un côté qui n’est pas content, c’est qu’il y a un certain problème. Est-ce que parfois le fait que le travail des journalistes soit un peu critiqué par des gens qui ont un certain intérêt dans les informations diffusées, c’est pas gage de qualité ? C’est peut-être maladroit la façon dont je pose la question…
Sylvie Kerviel : Oui ! Non, nous (le service Culture), il est évident que si on fait une critique négative sur un film, on va avoir le distributeur qui va hurler au téléphone : « vous ne vous rendez pas compte, avec la situation du cinéma qui est catastrophique, vous nous enfoncez encore plus. » Il n’est pas content, voilà, mais oui oui, on dit que le film est raté. Bon c’est normal qu’il ne soit pas content.
Après, le journal d’à côté peut dire que ce film est absolument génial. Comme je vous le disais Le Parisien, ils vont trouver que Plancha (le film) est excellent…Donc voilà, deux regards différents mais bon c’est un avis particulier. Nous on est beaucoup dessus dans la culture, c’est un avis, et c’est tellement subjectif le regard qu’on a sur une œuvre, sur une pièce de théâtre aussi. Donc bien sûr qu’ils ne sont pas contents quand on ne dit pas du bien, quand on dit du mal, mais ils sont contents quand on dit du bien.
Après il y en a qui ne sont pas contents parce qu’on en a dit du bien mais on n’a pas suffisamment dit du bien… Ou alors on a fait une petite réserve et alors ils ne sont pas contents. Bon… Mais à vrai dire on s’en fiche.
Alors nous parfois il y a des annonceurs qui retirent leurs publicités, notamment au cinéma, on a fait une critique négative, «Ah pendant six mois vous n’aurez plus de publicité ». Et nous on dit « Bah tant pis! ». On ne va pas s’empêcher de faire des critiques telles qu’on a envie de les faire parce que ça va nous priver de l’argent de la publicité. On fait les critiques qu’on veut et puis tant pis pour leurs pubs. On est suffisamment riche pour le faire, il y a peut-être d’autres journaux qui n’ont peut-être pas cette liberté.
Katell Jasso: Justement, est-ce que vous pensez qu’au Monde vous avez une certaine liberté…
Sylvie Kerviel : Ah ba oui bien sûr…
Katell Jasso : …Pour vous exprimer en général sur n’importe quels sujets ?
Sylvie Kerviel : Ah ba oui oui, tout en restant respectueux.
Katell Jasso : Oui
Sylvie Kerviel : On ne va pas insulter. On étaye (fonde notre critique sur des arguments). Je sais que quand dans les pièces de théâtre on dit du mal d’un acteur, on fait en sorte que ce soit toujours respectueux quand même. On ne pas dire « c’est une grosse bouse ». Il faut trouver les mots, que ce soit correct, pas insultant. C’est important.
Léandre Saussay: Donc dans la culture vous serez sur une critique qui serait toujours constructive et qui serait totalement détachée des intérêts de communication de ceux qui produisent l’œuvre?
Sylvie Kerviel : Ah oui complètement ! Oui oui bien sûr. Après que… comment dire… Par exemple, les gens qui sont au théâtre ça fait 20-30 ans qu'ils font ça. Au fur et à mesure il y a des amitiés qui se nouent avec les metteurs en scène, les acteurs et donc il faut prendre garde à ça : que par amitié, on a une critique qui va être faussée. On ne voudra pas dire du mal parce que « oh là là », on l’aime tellement l’actrice donc on ne va pas dire que voilà… C’est les dangers, les dangers.
Léandre Saussay : Et c’est déjà arrivé du coup que l’affection ou alors l’amitié […] compromette le travail de journaliste ? Et si arrive, comment vous réagissez ?
Sylvie Kerviel : Alors oui alors… oui oui. Par exemple, il y a des rédacteurs qui me disent « Ah non je ne peux pas faire le portrait de machin, finalement je suis trop proche d’elle ». Dans ce cas, on met quelqu’un d’autre. Ils ont l’honnêteté de nous le dire. Ou alors, « surtout pas, je me suis engueulé avec lui, si je fais un portrait de lui, ça ne va pas être honnête donc je en le fais pas ». Et on donne à quelqu’un d’autre, oui.
Léandre Saussay : Donc il y a une certaine confiance…
Sylvie Kerviel : Ah oui on travaille dans l’honnêteté. Sinon on ne peut pas…
Katell Jasso: Et justement, aujourd’hui vous pourriez dire que votre équipe elle est assez soudée, dans la confiance et c’est un travail assez fluide.
Sylvie Kerviel : Oui alors après c’est une équipe avec une moyenne d’âge assez élevée à la Culture. Je dirai 60 ans de moyenne d’âge parce que ça s’échelonne de 37 (ans), le plus jeune, à 69 (ans), le plus âgé, mais avec tout un noyau de gens entre 58 (ans) et 63 (ans). Donc c’est des gens qui depuis sont depuis 30 ans, souvent, sur leur secteur.
Parce que contrairement à ce que je vous disais tout à l’heure, que moi par exemple, je suis passé de secteurs en secteurs, ceux qui sont critiques, très souvent, ils font toute leur carrière en tant que critique. Donc ils ont un nom, ils sont connus, ils sont très respectés, ils ont vu toutes les pièces, toutes les adaptations du Misanthrope (pièce de théâtre de Molière) depuis les années 1981 et… donc on se connaît très bien, ils se connaissent très bien donc c’est une équipe soudée.
Heureusement, on essaye de faire rentrer quelques nouveaux de temps en temps… On a réussi à embaucher un garçon qui doit avoir 36-37 ans au cinéma, ça c’est bien. On a une jeune pigiste qui est arrivée au cinéma qui doit avoir 35 ans, ça c’est très bien mais voilà, il faudrait réinsuffler de la jeunesse. De temps en temps on a des apprentis, ça c’est bien parce que les apprentis, ils ont 20 ans, et on les garde pendant un an et voilà ça apporte un ton différent et ils sont des centres d’intérêts aussi différents, une manière aussi d’aborder les sujets différente. Et ça c’est très bien. J’aimerai bien qu’on en est plus mais bon.
Léandre Saussay : J’aimerai revenir sur l’expérience que vous avez. Au final vous avez eu la chance d’avoir travaillé dans plusieurs types de médias en tant que pigiste ou même d’avoir été dans plusieurs secteurs. Je trouve ça intéressant de savoir si vous, en tant que journaliste au format écrit, vous vous sentiriez aujourd’hui de peut-être revenir à la radio ou la télé?
Sylvie Kerviel : Alors non, pas du tout, vraiment. Je me plais beaucoup mieux sur l’écrit. La télévision c’est un univers que j’ai absolument pas aimé, première chose. La radio oui c’est séduisant mais au final, il y a quand même le matériel, on est tributaire de matériel. L’avantage, premièrement en presse écrite, c’est que c’est beaucoup plus souple, on part avec son carnet, et puis on gère beaucoup mieux nos horaires aussi. Voilà, je préfère mille fois la presse écrite.
Katell Jasso: Une question peut concerner justement nous qui sommes en études de sciences politiques avec un accès plutôt journalistique. Est-ce qu’aujourd’hui c’est un métier que vous pourriez nous conseiller ou justement vous seriez plutôt sur la réserve ?
Sylvie Kerviel : Alors, précisément, votre formation c’est quoi ?
Katell Jasso: Licence européenne de science politique, sachant qu’on est tous les deux dans des assos au niveau du pôle presse.
Sylvie Kerviel : Mais quelle école ?
Katell Jasso : ESPOL
Léandre Saussay : Donc c’est Ecole Européenne de science politique et de sciences sociales.
Sylvie Kerviel : Et de sciences sociales, d’accord. Et qui se situe où ?
Katell Jasso: A Lille.
Sylvie Kerviel (surprise) : Ah !
Léandre Saussay : Au sein de la Faculté catholique de Lille.
Sylvie Kerviel : Ah oui la catho!
Léandre Saussay : J’imagine que vous connaissez un petit peu puisque vous avez l’ESJ qui est aussi à Lille.
Sylvie Kerviel : J’étais à Lille, c’était 84-85 (1984-1985), quelque chose comme ça, et il faisait un froid, mais de folie, il faisait -20 degré (Celsius) en hiver, la première année. J’étais obligée de mettre tout en deux : deux pantalons, deux pulls, deux manteaux. Et les bus ne circulaient plus, j’habitais à Villeneuve d’Ascq à la cité universitaire, c’était … Et j’étais coincée dans cet espèce de terrain vague en face du supermarché Cora, qui ne doit plus exister. Dans cette cité universitaire qui était déjà lamentable et ça n’a pas changé d’après ce que j’ai vu. Voilà, donc j’ai eu un très mauvais souvenir de ma première année à Lille. L’année suivante, l’hiver a été moins rigoureux puis l’année suivante je suis partie en Suède. (Rires) Donc voilà… Autant dire que maintenant la ville me paraît beaucoup plus chaude et puis je pense que Lille, il n’y a plus ces températures délirantes.
Katell Jasso: Nan, il n'y en a plus. Les températures vont rebaisser la semaine prochaine, on va perdre je crois 6-7 degrés (Celsius) d’un coup.
Sylvier Kerviel : Mais ça va descendre à 10-12.
Katell Jasso: Oui c’est ça en ce moment et après ça descend autour de 0 (degré Celsius) l’hiver.
Léandre Saussay : L’hiver, c’est pas très froid, c’est plus humide par rapport à Paris…
Katell Jasso: C’est ça et puis il y a plus de vent
Sylvie Kerviel : En plus j’y suis retournée récemment. Tous les quartiers qui étaient pourris sont devenus vachement beaux. Ça n’a plus rien à voir, c’est beaucoup plus joli… Mais la catho je vois très bien où c’était… Euh, c’était quoi la question ?
(Rires)
Katell Jasso : Si jamais c’était (le journalisme) un métier que vous conseillez ou plutôt sur la réserve?
Sylvie Kerviel : Non non non ! Si ! On peut toujours le conseiller bien sûr mais il n’y a pas beaucoup de places qui se libèrent dans les médias un peu intéressants je trouve. Les gens y sont si bien qu’ils y restent jusqu’à 70 ans donc voilà, c’est pas évident mais bon… De toute façon, quand on veut vraiment quelque chose, il faut se battre pour, même si c’est difficile…. Vous avez d’autres options que le journalisme… dans vos projets de… ?
Katell Jasso: Oui.
Léandre Saussay : Dans les projets personnels, pas forcément maintenant. Je vous avoue que l’avantage qu’on peut avoir avec les associations c’est qu’on a accès à une grande diversité de métiers et qu’on peut aller rencontrer beaucoup de professionnels.
Sylvie Kerviel : D’accord.
Léandre Saussay : Mais je sais que dans notre formation, on nous… comment dire… On peut aller dans le secteur privé, en entreprise. On peut faire de l’engagement politique, du journalisme. Il y a aussi (des opportunités) dans les institutions internationales. Je sais que nous on parle beaucoup de l’Union européenne parce qu’on est en licence européenne (de science politique). On parlera plus des Nations Unies à ceux qui sont en licence de relations internationales. Au final, on a une grande diversité de métiers… On serait plutôt une sorte de Sciences Po, un peu, en termes de débouchés professionnels et je pense que la question de Katell était très pertinente car c’est vrai que dans un milieu où les étudiants sont assez politisés, le journalisme ça passe souvent en second plan et on ne nous en parle pas souvent. Donc c’est pour ça que le fait de vous demander si vous vous nous recommandez c’est…
Sylvie Kerviel : Alors, ce que je préciserai c’est que c’est bien d’avoir une petite particularité. Par exemple, celui qui parle chinois, il a plus de chances d’être pris dans un service international, ou qui parle la langue iranienne, le farsi, je crois… Qui a vraiment une connaissance particulière dans un domaine, ou par exemple la pharmacie, on a du mal à avoir des rédacteurs qui connaissent très bien le secteur pharmaceutique. Voilà, si on est un petit peu comme ça, j’aime bien ci, j’aime bien ça mais sans aucune (spécialisation), c’est difficile…
Katell Jasso : Et justement, parce qu’on est très axé langues à ESPOL, on a quand même trois langues obligatoires. Est-ce que le fait de parler le… beaucoup de langues ça nous…
Sylvie Kerviel : Ah oui, pour l’anglais c’est considéré comme obligatoire donc voilà!
Katell Jasso: Oui
Sylvie Kerviel : Mais par exemple le chinois ou l’iranien c’est sûr que vous avez plus de chances d’être pris. Il y a très peu de personnes qui le maîtrisent bien, le mandarin ou… C’est un atout.
Ou même en sport, être super calé sur le rugby par exemple, les règles du rugby, moi j’avoue que je n’y comprends pas grand-chose.
Katell Jasso: Vous n’êtes pas la seule !
Sylvie Kerviel : Donc voilà le garçon ou la fille qui connaît tout sur le rugby. Il arrive en stage, et après il est tellement efficace qu’on le garde parce que personne n’y comprend rien. C’est ce genre de chose, pouvoir se… Faire des stages, tout le monde y arrive à faire des stages mais pourquoi on garde et on se dit celui-là on va faire en sorte de pouvoir l'embaucher, c’est qu’il apporte un petit plus à part.
Léandre Saussay : Très bien
Sylvie Kerviel : Voilà
Léandre Saussay : Je vous remercie…
Sylvie Kerviel : Avec plaisir ! Vous avez été plus synthétique que votre … (document). C’est bien !